Socialisme ou barbarie au seuil du XXIe siècle

(Manifeste programmatique de la Quatrième internationale)

 

16. Sans socialisme, pas de lutte efficace pour la sauvegarde de l'environnement

Marx et Engels avaient perçu la tendance destructrice de l'économie capitaliste par rapport à la nature. Vers la fin de sa vie, Engels développait une vision nette du prix élevé que l'humanité risquait de payer pour une domination mécanique des forces naturelles. Mais ces germes d'une prise de conscience écologiste ne furent guère développés par le mouvement ouvrier organisé, ni par les théoriciens marxistes venant après Engels. Au contraire, le mouvement ouvrier, y compris dans sa branche révolutionnaire, s'est laissé gagner par une conception du socialisme qui écartait toute inclusion des coûts écologiques de son modèle économique.

Les socialistes d'aujourd'hui ont donc une dette réelle par rapport aux écologistes contemporains, y compris les partis dits verts, qui ont repris et élargi la conscience écologiste des socialistes du XIXe siècle. La révision de la doctrine socialiste dans ce sens est une uvre d'auto-critique et de responsabilité indispensable.

Mais il est tout aussi indispensable de souligner la dérive gradualiste et néo-réformiste des partis verts, qui découle comme celle des sociaux-démocrates, et des partis communistes staliniens et post-staliniens dans les métropoles, de leur tournant vers la Realpolitik et de leur participation à la gestion quotidienne de l'Etat bourgeois et de l'économie capitaliste. Cette dérive les rend de plus en plus inaptes à rester fidèles à leur credo écologiste initial. Il les rend de même inapte à comprendre que sans renversement du règne du Capital, aucune lutte d'ensemble efficace contre les menaces qui pèsent sur l'environnement naturel n'est possible.

Il est clair que l'obstacle principal pour résoudre de tels problèmes n'est pas le manque de connaissances scientifiques, mais le fait que la pollution continue à être plus profitable que d'autres choix plus écologiques. En outre, le rôle de l'impérialisme en maintenant les peuples du "Tiers-monde" dans la misère, et donc dans le besoin de solutions immédiates aux problèmes élémentaires de la survie et dans l'incapacité de tenir compte des générations futures contribue à créer des problèmes tels que la destruction des forêts tropicales, l'extermination illégale des espèces en danger ou les pratiques agricoles/horticoles qui favorisent la désertification.

Dans une société fondée sur la recherche du profit et la poursuite de l'enrichissement privé, dominée par la concurrence, l'égoïsme et la recherche de l'"efficacité" économique à courte vue, les ressources sont employées sans égards pour les conséquences à long terme de leur utilisation, et a fortiori, pour les conséquences sur l'environnement. Il y aura toujours des entrepreneurs qui contourneront tout dispositif légal d'inspiration écologique, afin d'accroître leurs profits privés.

Toute législation qui cherche à réduire le coût écologique des productions courantes en faisant "payer les pollueurs" n'aura dans le meilleur des cas que des effets partiels. Dans la mesure où ces "pollueurs" sont des entreprises puissantes, elles transféreront en plus le poids de ce prix sur le dos des consommateurs.

Une lutte efficace contre la pollution, une défense systématique de l'environnement, une recherche constante de produits de substitution aux ressources naturelles rares, une stricte économie dans l'emploi de celles-ci, réclame donc que les décisions d'investissements et de choix des techniques de production soient arrachées aux intérêts privés et transférées à la collectivité qui les opère démocratiquement. Elle réclame également que des intérêts privés ne puissent pas interférer avec ces choix et ces priorités. Elle réclame donc l'avènement d'une société sans classes.

Mais c'est bien d'une véritable société socialiste démocratiquement régie qu'il doit s'agir et non de la simple suppression de la propriété privée des grands moyens de production et d'échange et encore moins d'une société post-capitaliste sous la domination de la bureaucratie. L'expérience de l'ex URSS et d'autres pays à structure analogue démontre de manière tragique que la l'omnipotence, l'arbitraire, la gabegie, l'irresponsabilité bureaucratiques peuvent engendrer des catastrophes écologiques comparables à celles causées par le capitalisme.

L'explosion démographique dans le "Tiers-monde" est considérée par d'aucuns comme une des causes principales des menaces qui pèsent sur l'environnement. Ce raisonnement, fondé sur des extrapolations hâtives, est plus que sujet à caution.

En réalité, l'explosion démographique n'est ni fatalement durable, ni due à une quelconque fatalité éthnico-"raciale", voire "culturelle".

Elle est fonction de la misère, ainsi que de l'absence d'une infrastructure convenable de protection sociale. Les enfants doivent remplacer cette infrastructure.

Elle est de même fonction de l'oppression des femmes, des grossesses qui leur sont imposées, de leur sous-alphabétisation, de leur éducation insuffisante dans le domaine du planning familial, de leur accès insuffisant aux moyens contraceptifs.

L'aile intégriste des Eglises, avant tout le Vatican, mais pas seulement lui, portent une grave responsabilité à ce propos.

Il n'y aura pas de contrôle rationnel de la croissance démographique sans socialisme, et sans une avancée décisive vers la libération des femmes.

 

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